jeudi 20 décembre 2012

News : Les illettrés français étaient-ils en classe avec vous ?

Ils sont 2,5 millions en France. Selon une étude de l'Insee rendue publique mardi 18 décembre, 7% des adultes de 18 à 65 ans sont illettrés, dans une société de plus en plus tournée vers l'écrit. Lire, écrire, comprendre un texte, autant de savoirs qui conditionnent souvent la réussite, et qui pour ces millions de personnes ne sont pas acquis. Francetv info revient sur cette souffrance qui frappe au-delà des idées reçues. 




Ce ne sont pas des analphabètes...
Avant de quantifier l'illettrisme, il faut le définir. Pour l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI), ce terme s'applique aux "personnes qui ont été scolarisées en France et qui n'ont pas acquis une maîtrise suffisante de la lecture, de l’écriture, du calcul, des compétences de base pour être autonomes dans les situations simples de la vie courante." Mais elles ne sont pas analphabètes, puisqu'elles ont appris à lire et à écrire, l'école étant obligatoire en France. 
... ni forcément des dyslexiques
De plus, l'illettrisme ne doit pas être confondu avec une mauvaise maîtrise de l'orthographe, ni avec la dyslexie. Une étude de 2002, réalisée sur 125 jeunes âgés de 16 à 25 ans, a démontré que "parmi ces derniers, 21 sujets (soit 17% de la population d'étude) présentaient les caractéristiques d'une dyslexie développementale [un type particulier de dyslexie]". Parmi eux, un sur deux est illettréconstate l'étude.
Cependant, il existe "beaucoup de manières différentes [d’échouer]" à l'apprentissage de la lecture, relativise Franck Ramus, directeur de recherches au CNRS, et la dyslexie en est une parmi d'autres. Ce spécialiste dénonce un "amalgame" entre dyslexie et illettrisme dans une intervention datée de 2005.
Ils sont plus nombreux chez les personnes âgées 
Lors de la précédente enquête menée en 2004, 9% des personnes étaient considérées comme illettrées (contre 7% en 2011). Pour l'Insee, cette amélioration s'explique notamment par "l'exclusion du champ de l'enquête 2011 de la génération née avant 1946". Cette enquête montre que les jeunes de 18 à 29 ans s'en sortent globalement mieux que leurs aînés en lecture et en compréhension orale. Elle souligne aussi l'impact de "la prise en compte de jeunes nés après 1986, pour lesquels ce taux est relativement plus faible"
Ils ont des difficultés dès la petite enfance... 
Si les personnes en situation d'illettrisme ont fréquenté les salles de classe comme tout un chacun, faut-il blâmer l'école ? "Ce n'est pas la méthode de lecture enseignée en CP qui va être responsable des difficultés, voire de l'illettrisme futur, désamorce Alain Bentolila, invité en mars de France Culture. Professeur de linguistique à l'université Paris V-Descartes, il pointe l'importance du vocabulaire : pour lui ,c'est un bagage de mots décisif. Quelle que soit la méthode d’apprentissage, "on traduit en sons ce que l'on voit en lettres et l'on interroge son dictionnaire mental (...). Si [ce dernier] est extrêmement réduit", le déchiffrement des mots "ne fera pas sens""C'est là (...) que commenceront [les] grandes difficultés." 
... et elles s'aggravent au fil des ans
Surtout, "des compétences mal maîtrisées sont des compétences auxquelles on ne recourt pas", poursuit la présidente de l'ANLCI, Marie-Thérèse Geffroy, également conviée par France Culture. "On fait tout pour ne pas avoir à les utiliser dans les situations de vie (...) et elles s'effritent." Résultat : 5% des élèves sont identifiés comme illettrés à l'occasion de la journée défense et citoyenneté (qui concerne les jeunes entre 16 et 25 ans), et 10% considérés en difficulté. "Si rien n'est fait (...), les difficultés s'accroissent tout au long de la vie. [Et] on arrive à 14% d'illettrés pour les personnes de 50 ans."
Ils sont sur-représentés chez les personnes précaires
De plus, "tous les enfants ne naissent pas dans une famille où on lit, où on leur parle, où on leur lit des histoires tous les soirs (...), explique Marie-Thérèse Geffroy. Tous les parents ont-ils le temps [et] la capacité de le faire ?" interroge cette spécialiste. Par ailleurs, "près de 25% des bénéficiaires des minima sociaux sont concernés", indique Hervé Fernandez, directeur de l'ANLCI, dans le Nouvel Obs.com
A l'ANLCI, Armelle Delample, qui a travaillé sur l'étude comparative "Egalité hommes-femmes et illettrisme" (2011), note qu'une multitude de facteurs, culturels, territoriaux et sociaux, conduisent à l'illettrisme. "Il ne faut pas faire de lien systématique entre illettrisme et précarité, mais on note une sur-représentation des personnes précaires parmi les gens en situation d'illettrisme", indique-t-elle à francetv info.
La moitié d'entre eux vit à la campagne
Un problème aussi lié à l'isolement : selon l'enquête de 2004, près de 50% des personnes en situation d'illettrisme vivent dans les zones rurales ou faiblement peuplées, alors que seuls 18% des illettrés vivent dans les zones urbaines sensibles (ZUS). "Les régions les plus rurales cumulent une difficulté d'accès à la formation et des dispositifs d'accompagnement plus lâches que par exemple en Ile-de-France, où l'on compte de nombreux cadres, un accès favorisé à la culture, mais aussi de nombreuses zones prioritaires", explique Armelle Delample. 
 Pour la plupart, ils travaillent
"Plus de la moitié des illettrés ont déjà un emploi. Mais en période de crise, note Armelle Delample, ils sont plus exposés. Quand ces personnes perdent leur emploi, il est plus difficile de les remettre sur les rails", note-t-elle, insistant sur le rôle déterminant de la formation professionnelle. Au mois de novembre, l'AFP rapportait que le groupe de BTP Eiffage avait permis, en 2012, à 125 de ses salariés, dont certains étaient illettrés, d'être formés à leur demande. 
Ce sont plus souvent des hommes que des femmes
Enfin, les deux études successives indiquent que les hommes sont plus nombreux à être confrontés à l'illettrisme que les femmes. "Souvent, ces dernières sont plus présentes dans le suivi de la scolarité des enfants. A la maison, elles s'occupent aussi davantage des tâches administratives", explique Armelle Delample. 

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